La vie d'Alexandre pourrait se résumer en trois mots. Livres, Nora, métamorphe.

Livres. “si tragas todo lo que sientes, al final te ahogas.” Combien de temps pouvait-il passer lorsqu’il était jeune devant un livre, un journal, un magazine, à lire et à relire ? Il connaissait chaque mot, chaque ponctuation des quelques ouvrages que sa famille d’ouvriers possédaient. En effet, la littérature n’était pas l’une des vertu de la famille Leroy. Ils étaient plutôt centrés sur le travail manuel, le travail de la force de l’homme. Son père ne cessait de lui dire que ce qu’un homme pouvait faire de ses mains était la véritable démonstration de la force de son âme. Alexandre n’avait jamais compris le sens de cette phrase. Rien n’égalait la force de l’esprit pour lui. Mais son père ne supportait pas qu’on le remette en question. Alors, il enlevait la boucle de sa ceinture. Et le petit Alexandre se tenant debout, fier du haut de ses 10 ans d’avoir son opinion, sentait son dos le brûler à mesure que les coups s’abattaient. Sa mère était rarement présente durant ces moments, serveuse dans un bar. De toute manière, qu’est-ce que cela aurait changé ? Elle croyait si fortement en sa famille si parfaite qu’elle était aveugle à la réalité. Alors la seule escapade qu’Alexandre pouvait se permettre était les quelques livres que sa maîtresse lui autorisait à ramener en cachette chez lui. Il avait l’impression de vivre ces histoires de chevalier, d’aventure et d’espoir, d’amour et d’amitié. Ces histoires à la fois intrigantes et effrayantes. Elles étaient devenues son quotidien, et bientôt elles deviendraient sa réalité.

Métamorphe. “we were made of glass. we’d never last.” Ses pieds s’agitaient faiblement, enroulant la couette, l’entrainant dans une danse emmêlée. Ses paupières fortement fermées, des gouttes de sueur coulaient le long des tempes d’Alexandre. Des gémissements commencèrent à se faire entendre. Et lorsqu’enfin, il se réveilla, tout n’était que calme et silence. La nuit régnait dignement sur la ville et le noir enveloppait sa chambre, remplie de livres et d’ouvrages de toutes sortes. Beaucoup de choses avaient changés en quelques années. Le père d’Alexandre était mort dans un accident de travail et sa mère s’était remarié à un professeur. Alexandre ne pouvait être plus heureux, entouré de savoir et de sécurité. Et pourtant, en cette nuit étouffante, il ressentit ce besoin pressant contre sa poitrine. Les mains tremblantes, il s’approcha de la fenêtre, et l’escaladant, sorti dans la rue. Il avait l’habitude de fuguer pour quelques heures en plein milieu de la nuit, le fait que sa chambre se situe au rez-de-chaussée était grandement. Et pourtant cette nuit, un autre sentiment l’animait. Non un sentiment d’impatience et d’excitation, mais un sentiment primaire, comme le besoin de manger et de dormir. Placé en bordure de ville près d’une forêt, Alexandre aimait s’y retrouver pour lire tranquillement, sans les bruits ambiants que les humains et les machines produisaient. Il connaissait par cœur chaque sentier, chaque rocher et chaque arbre sur lequel il pouvait s’assoir et passer des heures à savourer un roman. À peine fut-il arrivé dans la forêt qu’il sursauta. En face de lui se trouver un renard au pelage roux écarlate. Renard qui deviendra bien rapidement son meilleur ami lorsqu’Alexandre découvrira qu’il n’est pas un humain comme les autres. Et le fantastique qu’il ne croyait que présent dans les romans qu’il parcourait toute la journée s’introduisit dans sa vie.

Nora. “a girl is like a butterfly. pretty to see, hard to catch.” Que serait un bon roman sans une histoire d’amour ? Nora fut l’histoire d’amour de la vie d’Alexandre. Il ne serait dire depuis combien de temps ils se connaissent, il a l’impression qu’il l’a toujours connu. Surement était-ce le cas, surement était-ce le destin de regrouper ensemble ces deux métamorphes, surement avaient-ils un rôle à jouer dans la vie de l’autre. En tout cas, Alexandre était sûr et certain du rôle que Nora aurait à jouer dans sa vie. Elle serait la femme de sa vie, son premier amour, celle avec qui il avait envie de tout découvrir, et de tout faire une deuxième fois, et encore une troisième fois. Celle avec qui il avait envie de fonder une famille, celle avec qui ils se rappelleraient des bons moments lorsqu’ils auront les cheveux grisés et les os rouillés. Ses parents l’appréciaient, il l’appréciait, que demander de plus ? Ne pouvaient-ils pas se contenter de vivre heureux, tous ensemble ? Alexandre lisait beaucoup de livres, certes, mais il pouvait paraître désespéré de vouloir cette fin heureuse qui n’est que pure illusion. Et cette illusion se brisa bien trop rapidement. Quel ne fut pas son chagrin lorsqu’il a appris que la famille de Nora avait péri tragiquement ? Désemparé, il ne pouvait s’en persuader pendant plusieurs semaines, convaincu qu’elle reviendrait vers lui, qu’elle reviendrait à la maison. Mais elle n’est jamais revenu, et Alexandre ne pouvait se résoudre à continuer de vivre dans cette maison où tous ces souvenirs bien trop beaux et douloureux surgissaient à chacun de ses gestes.