Samuel a toujours été un gars qui attirait les regards. Déjà petit ses yeux bleus fascinaient au sein d’Edimbourg. Ses parents étaient des gens simples, des gens qui faisaient des travaux manuels. Un père menuisier, une mère dans une usine, ils n’attendaient pas grand-chose de leur fils aîné ainsi que de ses petits frères et sœurs. Mais très rapidement Samuel se distingua par une vive intelligence. Il comprit alors que sa famille était une famille d’ignorants. Cela ne l’empêcha pas de les aimer et de vouloir les protéger. A l’âge de quatorze ans, alors qu’il retapait avec son père une chaise, celui-ci décida de discuter sérieusement avec lui. « Il faut qu’on discute fils. » Samuel regarda son père, se demandant pourquoi cet homme de la campagne avait décidé d’aller en pleine ville. Il détonnait, son look, son corps, tout attirait le regard des passants tirés à quatre épingles. En tout cas, il restait le meilleur menuisier de la ville et cela, personne n’était prêt à l’oublier. « Oui père. » Samuel n’était pas inquiet. C’était quelqu’un de réfléchi, de posé et d’extrêmement intelligent. Son père ne manqua pas de sourire, comme s’il venait d’entendre quelque chose d’amusant.

« Tu iras loin, tu le sais hein ? Ta mère fonde énormément d’espoir sur toi… Tu seras probablement le seul de notre famille à accéder aux études supérieures. » Son regard bleu sonda son fils. Ils se ressemblaient énormément. Le jeune homme hocha lentement la tête. Il comprenait parfaitement ce qu’il voulait dire. Il était l’espoir de la famille, qu’il le veuille ou non. Fort de cette constatation, lui et son père ne parlèrent jamais plus de cela, ils continuèrent leurs vies l’air de rien. Dès lors, Samuel se donna énormément dans les études, développant un fort esprit de compétition dans la matière de l’économie. Il passa facilement au lycée et à celui-ci, se fit remarquer par ses notes. Il n’était pas le sportif de l’année, mais il était relativement assez bon. Le blondinet commença à fréquenter des gens de milieu aisé, cachant le fait que sa famille était une famille de la classe moyenne. Il se saignait à travailler en dehors des études pour garder un train de vie disons-le, de folie.

A l’université, il s’intéressa au management en plus de l’économie et continua ses études avec une folle envie. Les années s’écoulèrent, mais Samuel ne vivait que pour le travail. Jamais il ne s’arrêta auprès d’une femme. Il les enchaîna, encore et encore, mais sans plus. Ses parents admirèrent ses efforts, car Samuel était le seul à percer aussi bien dans le milieu du travail. Ses frères et sœurs firent des travaux manuels, pour ceux qui travaillaient, les autres s’en sortaient comme ils le pouvaient. Samuel s’attira la jalousie de la famille, sauf sa mère qui continua à être bienveillante. Tout se déroulait à la perfection, jusqu’à ses trente-six ans. Il ne fut plus Samuel, mais Asmodée.

Le démon aux yeux jaunes était dépité. Il avait vu en cet humain quelqu’un de brillant, de fort et il atterrissait dans une famille marginale qui vivait à plusieurs kilomètres d’Edimbourg, dans une sorte de maison miteuse. La créature plissa les yeux tandis que la mère de son hôte préparait un thé. « Tout va bien Sam ? » Sa petite sœur de deux ans sa cadette le regarda, berçant un bébé entre ses bras. Il y avait quelque chose chez elle, quelque chose de fascinant et elle aussi semblait avoir comme une intuition. « Oui tout va bien. » Le démon regarda le bébé qu’elle tenait entre ses bras, pensif. Enfin pensif, c’était vite dit. Il aurait bien voulu la blesser, la détruire. Oh oui, cela aurait été délicieux, mais il avait d’autre projet. La mère de cette portée arriva avec le thé et s’installa à leurs côtés, heureuse de les voir. Samuel fit la conversation, but une gorgée de thé et monta à l’étage, dans sa chambre d’adolescent abandonné depuis une vingtaine d’année. Mais elle n’avait pas bougé d’un poil et le ménage était régulièrement fait.

Asmodée cherchait quelque chose de précis. Samuel n’était pas n’importe qui, il était un enfant de chasseurs. Un enfant de chasseurs qui avait renié son héritage pour se concentrer sur le business. Aujourd’hui il était en passe d’ouvrir une grosse chaîne de ventes de livres. Dans quelques jours, il irait à Inverness, cette ville peuplée de créatures non humaines. Asmodée devait trouver d’autres démons et répandre le mal. La créature fit volte-face, sa sœur Katie se tenait dans l’embrasure de la porte, mais sans bébé. « Tu es vraiment étrange. » Samuel haussa les épaules, un geste que l’hôte avait souvent l’habitude de faire pour dédramatiser. « Pourquoi tu te sens toujours obligé d’en faire une tonne ? » Franchement, il ne comprenait pas. Katie sourit, soulagée. L’humaine était bernée, parfait. Asmodée n’était pas un démon aux yeux jaunes pour rien. Il s’approcha d’elle et lui effleura la joue du bout des doigts. « Détends-toi. » Il pourrait la tuer, mais c’était presque trop facile. Il avait besoin de challenge.

II descendit au salon et ce fut la dernière fois qu’on vit Samuel dans cette maison. Ensuite, il prit la route d’Inverness. Le plus emmerdant avec les humains c’était qu’ils s’aimaient et la famille n’arrêtait pas d’appeler. Asmodée songeait sérieusement de les faire tuer, mais pour l’instant, le démon aux yeux jaunes décida de jouer le jeu. Après tout, ce n’était pas tous les jours qu’on possédait un enfant de chasseurs !